Préférez-vous les filles maigres ou bien celle normales (=ayant quelques rondeurs) ?

Pour vous, qu'est-ce que le mouvement Pro Ana (= pour l'anorexie) ?

Pensez qu'il faille se faire soigner quand on entre dans le mouvement Pro Ana ?! (Pensez-vous qu'il faille se faire suivre par un nutritionniste ou médecin ?!)

(C'est bien sûr anonyme...) Faites-vous parti de la communauté Pro Ana ?!

vendredi 7 mars 2008

A. L'évolution de la beauté

Et nous nous pencherons dans ce paragraphe-ci plus particulièrement sur la vision de la femme au cours du temps.
En effet, depuis toujours il existe une élite femelle en matière de beauté, mais celle-ci change perpétuellement, et ceci à causes de différentes choses : des vêtements de coupe nouvelle, des ustensiles innovants, ou encore, simplement en opposition à ce qui est qualifié par la majorité de laid, ou de passé.
Nous étudierons ici l’évolution de la beauté au fil des siècles et des découvertes. Ce qui bien sûr nous amènera à parler de l’anorexie, qui comme nous le verrons plus tard, est un phénomène extrêmement complexe, et dont les causes sont multiples.

Fin 15ème siècle, début 16ème

De la fin du 15ème siècle au début du 16ème siècle ( Renaissance ), les formes de la partie basse du corps sont moins prises en compte, bien qu’une femme ayant quelques rondeurs ( hanches, appelées « culotte de cheval » ) soit bienvenue, et mieux vue du fait de sa supposée fécondité.
C’est alors le temps où le visage est plus regardé, et mis en valeur. Le plus charmant des visages : La femme Arnolfini, peinte par Van Eyck en 1434, mais aussi La Joconde,ou Mona Lisa de De Vinci réalisée en 1503. Front large ( certaines s’épilaient pour apparaître ainsi ), peau pâle, petite bouche, et de très fins sourcils.


Les Epoux Arnolfini, Van Eck, 1434


La Joconde, Léonard de Vinci, 1503


A l’époque de la Renaissance, c’est une infinie recherche sur tous les sujets qui se met en place. Autant dans les sciences que dans les arts, et d’ailleurs, la combinaison des deux, en particulier l’anatomie dans la science, et le dessin dans les arts, donne lieu à un soi-disant idéal esquissé en premier lieu par Piero della Francesca, un peintre toscan, qui peignit en grande partie des scènes de la Bible, ou inspirées de celle-ci. D’autres le suivirent, tels Léonard de Vinci, et Dürer.


Madone del Parto, Piero della Francesca, 1460-1465

L’homme de Vitruve de Vinci montre à quel point trouver une proportion idéale relevait du défi, était compliquée.


L'homme de Vitruve, croquis de Leonard De Vinci


Le corps de l’idylle féminin se mathématise : l’ensemble de son corps doit faire huit fois la tête. Mais c’est un idéal instable, et la preuve en est le nombre de mesures du corps idéal qui s’en suivent : cinq types dans le livre I, et treize dans le livre II, de Dürer. La recherche de l’idéal par le calcul semble impossible, car en effet « la mesure n’a pas de lieu parfait dans le corps humain car, de son début à sa fin, il est mobile [ à la différence de l’architecture ] et ne comporte donc pas de proportions stables. » a déclaré V.Danti, un artiste, en 1567.
Peu à peu, l’esthétique physique s’étend, jusqu’à, pour la période de la Renaissance, se définir pour quatre éléments : le visage, le buste, les mains ( de préférence, blanches, longues, fines ), ainsi que des bras rondelets. La notion de muscle, ou de minceur, n’est pas encore d’actualité.


Fin 16ème siècle

La toute fin du 16ème siècle devient celle où un canon de beauté féminin se définit par, avant tout, sa fécondité ( autrement dit, sa capacité à avoir, ou non, des enfants ), et celle-ci et à l’époque identifiée à la quantité de graisse de la personne concernée. Ce qui implique, un minimum de grosseur, et donc ce qu’on appelle, aujourd’hui, des « formes », ou rondeurs. Cette fascination pour les femmes rondes s’explique mieux par les représentations qu’on l’on fait de la femme en général. En effet, la Renaissance est une période pendant laquelle on redécouvre les œuvres de l’Antiquité. Ce qui nous intéresse ici, c’est la Mythologie, avec les déesses de l’Amour, de la Guerre, ou autres, considérées comme des idéaux de modèles féminins. Comme le montre la peinture Vénus et les Grâces surprises par un mortel de Jacques Blanchard, en 1631-1633, l’esthétique est bien dans l’abondance des formes : large au niveau des hanches, des cuisses, cependant, on remarque que les seins sont plutôt discrets. Cette vision de la beauté dans une unique femme est typique de la Renaissance : c’est le néo-platonisme, qui orient le spectateur vers quelque ciel des idées parfaites, qui sont bien sûr une notion totalement abstraite, étant donné que chacun à sa propre image du parfait.


Vénus et les Grâces surprises par un mortel, Jacques Blanchard, 1631-1633.


17ème siècle

A cette époque, l’ensemble de l’apparence est lourdement redéfini, car c’est le début de « l’accord du dedans avec le dehors », autrement dit, ne compte plus seulement l’aspect extérieur, mais aussi le caractère intérieur.

Mais cet élément de l’intérieur, plus fort que la beauté externe de la personne, relève du registre du mystère, et est rapidement indiqué par la formule si commune du « je-ne-sais-quoi », dans des expressions telles « je ne sais quel éclat de ses yeux » ( Madeleine de Scudéry, dans Le Grand Cyrus ), ou, « Je ne sais quel agrément de l’esprit », ou encore, « je ne sais quoi de lié à la grâce » ( Nicolas Faret, L’honnête Homme, ou l’art de plaire à la cour ), ou même, « je ne sais quoi de dégagé dans la taille ». En effet, tous les versants de l’esthétique au 17ème siècle changent avec cette importance donnée à l’expression. Différents artistes, comme Nicolas Poussin, représentent bien la logique des attitudes et des gestes, comme le dit Félibien : « Tout y paraît naturel, facile, commode, agréable ; chaque personne fait ce qu’elle doit faire avec grâce et bienséance…Il a réussi dans toutes les passions de l’âme. », dans son ouvrage Entretiens sur les vies et les ouvrages des plus excellents peintres….
Encore faut-il s’attarder sur la pensée de Félibien : le thème nouveau de l’harmonie, celui de l’accord entre le dedans et le dehors, peut s’enrichir. Il ne se limite déjà plus à la seule idée du contrôle de la raison. Il s’étend à celui des passions, des affections, ce monde pourtant longtemps dénoncé sinon refusé. L’espace intérieur s’est développé, les sentiments y ont gagné. Certains peuvent donc servir à embellir le sujet observé. Ce qui rend brusquement intéressant le visage « passionné », susceptible de révéler une beauté plus troublante, plus aiguë. Ainsi, une femme triste, laide en temps normal, peut se trouver alors charmante, avec les larmes aux yeux, ou encore, une femme dont les yeux sont pleins de désir peut apparaître plus belle qu’en son état habituel. Le désir de chacun, pour la première fois, peut dire la beauté.

« Quelque éloquents que soient les yeux ils n’ont pourtant rien de beau qu’ils n’empruntent à l’âme et leurs entretiens ne sont charmants que lorsqu’ils reçoivent des grâces, des sentiments secrets qu’ils expliquent. », en d’autres termes, ce regard enrichissant dépend surtout des sentiments que l’on souhaite exposer, mais résulte aussi, des récepteurs de ce regard, sans lesquels, il n’y aurait aucune interprétation : tel est bien l’ajout de la beauté classique à celle du 17ème siècle.
Ce que les rivaux de Mme de Montespan avouent précisément identifier, malgré toutes leurs réserves, dans l’étrange attirance de ses yeux : « Elle avait une taille épaisse et laide, un éclat extraordinaire et beaucoup d’esprit dans les yeux. » Les nuances s’accumulent alors au-delà de la seule intensité ou de la couleur de l’œil, évoquant messages, sentiments ou émotions.
Les yeux de Clélie, par exemple, ( personnage de Madeleine de Scudéry, dans un roman éponyme ) « les plus beaux du monde…noirs, brillant, doux, passionnés, pleins d’esprit ; leur éclat a je ne sais quoi qu’on ne saurait exprimer. La mélancolie douce y paraît parfois avec tous les charmes qui la suivent et l’enjouement s’y fait voir à son tour avec tous les attraits que la joie peut inspirer ». Les yeux s’animent, se passionnent, ils se troublent, enrichissant brusquement les nuances de la beauté.
Les peintres du 17ème siècle multiplient ces signes furtifs quelquefois dérobés, jouant comme jamais sur la transparence et la mobilité : le regard surpris et perlé de la femme au chapeau rouge, par exemple, chez Vermeer, retenant le spectateur en s’opposant au mouvement d’un visage légèrement tourné, ou les regards rieurs des femmes de Frans Hals dont tout le prix tient à leur saisie quasi instantanée, ou encore les plissures très étudiées d’un regard plongé dans l’ombre avec le portrait de Saskia, chez Rembrandt en 1633.


Autoportrait, Frans Hals.


Autoportrait, Rembrandt.


Saskia en Flore, Rembrandt.


Saskia, Rembrandt.


La fille au chapeau rouge, Vermeer, 1668.


Une véritable étude est faite sur tout ce qui touche le regard, les conférences de Charles Le Brun à l’Académie de peinture et de sculpture en 1678 confirment cet intérêt extrême. Le peintre du roi focalise l’ensemble de l’expression des passions sur l’emplacement des yeux : les transports « atroces et viles » conduiraient le regard à fuir la lumière et à s’abaisser pour se dérober et s’abriter ; les transports grands et nobles le conduiraient à rechercher cette lumière et à s’élever ; alors que les transports doux l’amèneraient à l’horizontalité. L’étude se veut savante, l’œil est bien ici commandé par ce qui vient de l’ « intérieur », des mesures sont faites sur les statues antiques promues au rang de modèles.
Tout le calcul du peintre du roi porte sur le jeu des sourcils, la plissure des yeux, leur horizontalité, leur inclinaison dans le profil pour mieux distinguer la beauté de ce qui n’y appartient pas.
Un autre aspect de cette beauté recherchée, est celui des actrices sur scène, pour qui la beauté est plus que capitale : le roi, par exemple, n’a jamais vraiment accepté Mme de Beauval, dans le rôle de la Nicole dans le Bourgeois Gentilhomme en 1670, « trop mécontent de sa figure et de sa voix ». Car la scène est un endroit où s’expose les visages, les formes des divers acteurs, celles-ci mises en valeur doivent plaire si l’on souhaite rester dans la troupe. Il en est d’ailleurs de même à la cour : l’art de montrer et de jouer s’est imposé. On se déplace pour l’actrice, et non pour l’intrigue, c’est d’ailleurs ce que dit Mme de Sévigné en parlant de Marie Derames : « Elle est laide de près et je ne m’étonne pas que mon fils ait été suffoqué par sa présence, mais quand elle dit ses vers, elle est adorable. […] Elle est quelque chose de si extraordinaire qu’en votre vie vous n’avez rien vu du pareil. C’est la comédienne que l’on cherche et non pas la comédie ; j’ai vu Ariane pour elle seule. » Il est donc possible à chacun d’ « effacer ses défauts » par la seule manière de s’exprimer.
Mais cette beauté, sur scène n’est-elle pas simplement superficielle, voire artificielle ? En effet, on se doit de cacher ses défauts, presque imperceptibles parfois. Chaque femme devient alors un modèle travaillé et à retravailler perpétuellement : son corps obéit aux dessins du « corrigé ». Non qu’il n’existe plus aucune beauté naturelle, mais la plupart sont « reformatées ». D’ailleurs, une sorte de guerre s’engage contre la beauté dite « fardée », car effectivement, les accessoires et instruments fabriquants l’esthétique se sont diversifiés avec la civilisation : on trouve des fards, de la poudre, répandue dans les cheveux, ou du parfum, mais aussi des mouches, de minuscules taffetas portées sur le visage à cette époque. On trouve un panel impressionnant d’outils pour la peau : huiles, eau de talc, mouchoirs cosmétiques s’ajoutent aux onguents, pommades, ou aux eaux virginales. D’autres couleurs sont portées, s’ajoutant au blanc classique du visage, tel le rouge, mentionné en premier lieu par Louise Bourgeois en 1636, dans une de ses recettes de fard. Et par la suite, on voit la marquise de Montespan en colorer ses pommettes, et ses lèvres, jusqu’à Saskia de Rembrandt qui en agrémente son visage alors qu’elle est peinte en Flore. En outre, en société, à la cour, on ne parle pas des désagréments occasionnés : certains époux n’acceptent pas les mouches, qu’ils jugent futiles, comme Marie Nancini avoue devoir ôter les mouches, pour que son mari consente à lui parler. L’usage provoque opposition entre décision féminine et autorité masculine, pratiques publiques et pratiques privées : il est à la fois accepté et réprouvé, développé et retenu.
Il est possible de penser que les maris se sentent trompés par le port de fard, qui masquent le visage de l’épouse, car, si elle se maquille, n’est-ce pas pour être plus belle, plus attirante, en dehors du foyer familial. Et cela peut aussi s’interpréter comme un aveu de liberté.
Mais là encore subsiste un paradoxe, car si les femmes se poudrent pour la cour, autrement dit, pour tout ce qui relève des mondanités, dans l’intimité, elles laissent leur naturel faire surface : le fardage pour le paraître extérieur, et la sincérité pour le personnel. Et puis, il reste les « femmes de joies », plus familièrement les prostituées, non déguisées, qui peuvent alors être qualifiées de grossières, car naturelles.
Cette mascarade devient trop importante, et touche trop de domaines, elle signifie pour certains le ridicule ; c’est ce sur quoi insiste Francion dans le roman de Sorel : ces « courtisanes qui sont toutes couvertes de fards et qui usent de mille inventions pour relever leurs seins flasques ». Par exemple, se développe le corset, instrument servant à compresser le ventre, afin d’affiner la taille, et de remonter la poitrine, qui apparaît ainsi plus ferme. Certains vont même jusqu’à associer tous ces produits à Satan, car jouant sur la tromperie, la fourberie. Beaucoup désapprouve ces méthodes de maquillage, d’embellissement exagéré, ils vont même jusqu’à surveiller leur enfants, afin qu’ils ne prennent pas cette habitude, comme par exemple Fortin de La Hoguette qui affirme « Je [lui] demande seulement qu’[elle n’emploie] pas tant de temps pour l’ordonnancement du dehors de [la] tête ; qu’[elle n’en réserve] quelques heures pour le dedans. ».
Au terme de la réflexion, il apparaît qu’à cette époque tout est question de maquillage, autant dans le sens propre, que dans le sens péjoratif. La beauté « s’uniformise », et se résume à une application régulière de fard sur le visage. Mais les couleurs ne sont guères que très peu variées, elles se limitent au rouge et blanc, malgré les différentes intensités de chacune.


18ème siècle

Le 18ème siècle est celui des Lumières, celui pendant lequel toutes les institutions sont remises en cause, et les pensées dispersées. Aussi la conséquence de ce naturalisme des Lumières est l’invention d’une pensée esthétique : la tentative de comprendre coûte que coûte pourquoi s’unifie le goût alors que se dispersent les sensibilités.
On recherche une approche plus explicative, plus technique aussi, d’autant qu’est dénoncé le thème des proportions proposées par l’Encyclopédie déclaré trop figées et uniformes : « chaque artiste peut à son gré se faire [une proportion] qui lui convienne ».
Ces explorations du beau physique s’accumulent en une série de petites ébauches, qui diffèrent selon les artistes : la jeunesse pour Watelet, le petit et le lisse pour Burke, le grand pour Roussel, l’ondoyant pour Hogarth, le fort pour Vandermonde ou Laclos, le délicat pour d’autres, ou tout simplement le goût national pour Spence (Académie des grâces), ou même, Winckelmann qui situe son « beau idéal » dans la Grèce ancienne, justifiant son choix par l’atmosphère de liberté qui y régnait.
Mais la réelle différence avec le siècle précédent, c’est bien sûr le regard que l’on porte à présent sur un corps : afin d’ « évaluer » sa beauté ne compte plus seulement le visage. Le corps commence à être vu comme un tout, chaque partie ayant une relation d’inclusion avec le tronc, comme le dit Lavater « le corps humain peut être envisagé comme une plante dont chaque partie conserve le caractère de la tige. » Diderot, malgré une argumentation un peu floue, avoue que pour lui aussi, la globalité a acquis un rôle particulier : « toutes les parties du corps participent à la beauté », même si les robes féminines, dans ces années 1760-1770, ne laissent toujours pas effleurer les contours du corps, favorisant seule la partie du haut. Afin de mettre en valeur cette idée du corps comme un ensemble indissociable et que ne compte plus uniquement le visage, certains écrivains réalisent des descriptions d’eux, en changeant totalement l’ordre habituel, telle Mme Roland qui inverse le parcours traditionnel du regard : non plus du haut vers le bas, mais le contraire, pour mieux aiguiser une silhouette,souligner une tenue. Il en est de même pour Rétif, qui fait parfois du pied le point de départ de ses portraits : « les souliers à talons hauts affinent la jambe et sylphisent tout le corps », ou Camper, qui remarque que les talons ont tendance à « pencher le corps en arrière en creusant les reins. »
Le corset, outil féminin très en vogue, subsiste, mais se transforme. La critique a eu ses effets, l’Avant-Coureur recommande en 1770 le corset de feutre, vendu par Gérard, un tailleur de Reims, le Cabinet des modes quand à lui décrit un corset de taffetas, sans baleines, de couleur rose, bleue ou verte, le casaquin. Et de plus, la rigidité régresse : la beauté voudrait des parties plus mobiles comme des mouvements plus légers. Pour se faire, il faut que l’on puisse contempler le corps tout entier, et les mousselines, les gazes, les linons, les « taffetas moelleux » seraient justement faits pour épouser les contours. « La mode veut des étoffes qui dessinent les formes. » précise L’Arlequin, à la fin du siècle. Les vieux cerceaux élargissant les jupes, illustrés par Coypel ou Watteau en 1730 ne seraient plus que des dessins passés, grotesques, assimilant les silhouettes à quelque « grosse cloche de cathédrale », d’après Caraccioli. Et les récits de cette époque le disent aussi.
Cependant, toutes les pensées ne sont pas accordées : le journal des dames et des modes déclare que « jamais la pudeur ne peut exiger que les femmes se mettent dans un étui ; une recherche pareille ne peut venir qu’au secours de la laideur et de la difformité. » La « résistance » diffuse aussi que l’usage du miroir confirme à sa manière ces innombrables images de la « femme à la toilette » par exemple, dont la fine glace cerclée reflète seul le visage ou le buste, abandonnant le bas des robes à quelque profil conventionnel et non personnalisé ; jusqu’aux images libertines de femmes comparant dans le miroir le volume de leurs seins, comme dans la gravure de Janinet. Aucune référence ici à un miroir en pied susceptible de restituer la totalité du corps. Les miroirs de toilette demeurent de taille moyenne, n’excédant guère « 18 ou 20 pouces de haut » (45-50 cm), rarissime sont les miroirs hauts.
Un grand miroir, d’environ 2,50m de haut est à l’époque estimé à 3000 livres, alors qu’un chirurgien de l’Hôtel-Dieu gagne 200 livres par an : d’où l’extrême rareté d’une vue entière durant le siècle des Lumières.
Il faut attendre les ultimes années du siècle, et le succès accrus des verriers français, pour que la glace haute et ovale trône dans les boudoirs, permettant aux dames de qualité de se considérer à loisir des pieds à la tête.
La beauté du 18ème siècle est celle de l’expansion du sujet, ce qui déjoue, d’une certaine manière, la certitude d’une beauté absolue.
L’Encyclopédie s’enchante de cette diversité prodigieuse des traits du visages. De même, pour contredire cette idée d’uniformisation du visage, la réponse de St-Preux au portrait reçu de Julie dans la Nouvelle Héloïse est parlante et synonyme de cette esthétique du singulier : il se plaint de l’inévitable impuissance du peintre à rendre présent les sentiments de Julie. Il dénigre surtout l’académisme du tableau, regrettant l’absence de lignes n’appartenant qu’à la jeune fille. Il dit même : « ce n’est pas seulement de tes beautés dont je suis amoureux, mais de toi tout entière, telle que tu es. » Beauté indissociable de ce qu’exprime le sujet.
Le renouvellement des techniques du portrait en peinture montre encore l’étendue du changement. Un principe en particulier est abandonné : celui d’un dessin pré-construit du visage, ses bandes ou cercles préalablement esquissés afin d’assurer la régularité d’une physionomie. D’où les nouvelles sources du portrait : non plus l’image toute faite de l’ellipse ou de l’ovale, celle depuis longtemps schématisée par Piero Della Francesca ou par Erhart Schön, mais le trait immédiat, la ligne saisie sur le vif, la texture inspirée du présent et seulement de celui-ci. L’appel de Constable, par exemple, demandant aux peintres d’oublier, avant chaque dessins, « qu’il a jamais pu voir un tableau. » Ou l’insistance de Rousseau demandant à Emile de réaliser d’après nature ses lignes et ses traits : « je veux qu’il s’accoutume à bien observer les corps et leur apparence et non prendre des imitations non advenues. »
Un autre aspect est la coiffure des femmes. Les perruquiers revendiquent au 18ème siècle une subtile adaptation de leurs assemblages au formes de visages différentes de chacun : boucles et frisures auraient à suivre les physionomies. Mais le résultat, il faut le dire, reste modeste : chaque figure apparaît davantage en modèle tout fait, la légère, le chasseur, la lunatique, la paresseuse, qu’en choix singulier et adapté, en effet, « le nombre de frisures y est presque infini » assure Molé. Malgré, ou par, cette trop grande diversité de visages et de préférence, sont créé par Louis XVI 600 offices de coiffeurs en 1777. Et de plus, pour se faire belle, il faut « choisir le teint », c’est la suite logique du siècle antérieur : le succès des fards n’est pas encore révolu. Ils sont sensés s’adapter à chacun, ainsi, le « sieur Domson » propose dix sortes de rouge, à choisir selon les moments du jours, l’âge de la femme, les lieux où elle se rend : « choisir le rouge est une affaire capitale », car on souhaite exprimer sensibilité, rendre visible le sentiments, d’où la favorisation des nuances. Mais revient toujours le même thème de fausseté. Rousseau l’interdit à Sophie, souhaitant qu’ « elle ne [connaisse] d’autre parfum que celui des fleurs ». Il l’interdit à Julie : « c’est dans ton cœur qu’est le fard de ton visage et celui-là ne s’imite point. » Mme d’Epinay n’y voit que « supplice »[…] : une façon de mentir toute la journée. » Montesquieu n’y voit qu’uniformité : « tous les visages sont les mêmes » alors que l’individualité devrait l’emporter, puisque c’est ce que l’on dit rechercher.
Mais cette polémique autour du fard s’est transformée, car sa pratique s’est diversifiée, cultivant le naturel, l’expressif : d’autant plus acceptée qu’elle s’est nuancée.
L’originalité des pratiques d’embellissement au 18ème siècle ne saurait pourtant se limiter à cet usage de fards. La représentation du corps a changé entraînant l’ensemble des références organiques. Ce qui suscite d’autres pratiques jugées actives : le rêve de marches toniques, l’usage du froid et du bain, un affermissement jouant sur l’embellissement comme sur la santé. C’est la recherche de la beauté par la santé, la force, la jeunesse : autrement dit, la vitalité.
Cette notion de fibres de la peau, provoque encore un écart de plus entre les sexes : la fibre étant plus grêle chez la femme, plus petite, plus déliée, plus souple que celle dont est composé l’homme. La fibre installe néanmoins l’image de fermeté dans l’esthétique physique, jusqu’à commander les mots du 18ème siècle désignant ces chairs « si fermes, si douces, si blanches » de la Religieuse de Diderot, ces chairs « si fermes » de la Mirzoza des Bijoux indiscrets , ou encore, ces « chairs plus fermes, plus vivantes, constamment battues par un air vif » des femmes de la première humanité idéalisée par Laclos.
Une certitude s’est confirmée : « l’excès de délicatesse nuit autant à la beauté qu’à la santé. » Le corps embelli doit être un corps stimulé, par différents éléments naturels, comme l’eau, l’air, le climat. Ce qui révèle au passage un intérêt porté à la peau, son état, sa fermeté, bien au-delà du seul visage.
Par les expressions telles « blancheur » ou, « douces », on insiste à la fois sur l’aspect de propreté, et sur celui « tonique et excitant », une expression d’ailleurs beaucoup reprise par les magasines du siècles suivant.
Pour cela, on installe des lieux isolés pour les soins cosmétiques du corps : un établissement sur la Seine en 1761, les bains de Poithevin, un grand bateau sur lequel on distribue des « bains minéraux, soit naturels, soit artificiels, tels que les médecins les ordonnent ». Puis, plus luxurieux les bains Trivoli sont construits à St-Lazare à la fin du siècle.

Pour la première fois, en revanche, ces avatars anatomiques sont mesurés à leurs impact collectif : leurs effets sur une population. La beauté se révèle plus que jamais appartenir à un groupe, à ses gestes, à ses mœurs. Elle pourrait plus que jamais alors, comme l’éducation, varier avec les habitudes et les savoirs. Elle pourrait croître et se cultiver collectivement, comme décroître et péricliter par abandon.
Le regard de Sterne le confirme dans son Voyage imaginaire en 1768. Son visiteur de Paris se désole du spectacle rencontré : visages aux nez longs, aux dents gâtées, aux mâchoires de travers, corps noués, rachitiques, bossus. Tout ici serait laideur, rabougrissement de la taille, altération de traits. Tout serait faiblesse, tenue épuisée, croissance figée. Le visiteur observe un monde d’infirmes et de nains. Il s’apitoie, il s’active, il s’interroge aussi : d’où viendraient ses étranges défauts, ces anatomies repoussantes ? Un long regard sur la ville impose très vite une cause indiscutée : les espaces saturés, le manque d’air, la petitesse des rues.
Un idée ressort alors : une dégradation des formes humaines correspondant à la modernité. Les Tahitiens ne présenteraient parmi eux qu’un seul homme estropié, alors que les Européens en compteraient à l’infini.
Vient alors, une vague d’idéologies telles : « perfectionner l’espèce », « enrichir l’espèce », ou « préserver l’espèce ». Un appel est même fait vers 1765 affirmant qu’il faut « renouveler la source corrompue de nos humeurs et de nos esprits ».
Plusieurs principes de beauté peuvent ainsi se décliner à la fin du 18ème siècle : celui tout individuel, des traits et des expressions, celui, plus collectif, des charpentes et des anatomies. Non qu’ils soient sans liaison entre eux, mais sensibilité domine dans le premier cas, hygiène et santé dans le second.


19ème siècle/20ème siècle

Il fut un temps, où le bonheur et le succès se mesuraient à la corpulence. L’embonpoint était synonyme de richesse, la minceur, taxée de maigreur,se traduisait pas pauvreté ou maladie. Plus le décolleté d’une femme était généreux, plus ses formes étaient rondes, plus elle avait la chance d’être enviée et de figurer parmi les « belles » de l’époque.
Pourquoi aujourd’hui cette peur obsédante : grossir ? Cette idée fixe : maigrir ?
Cette mode, ce renversement des tabous sociaux, ce bouleversement parmi les canons de beauté, nous le devons certes, un peu aux couturiers, mais bien davantage aux médecins qui ont su prouver aux femmes que, pour paraître plus jeune et vivre plus longtemps, il existe une règle : rester mince ; un secret : surveiller son poids.
Il est d’ailleurs fort probable qu’à notre époque, les modèles de Rubens, eux-mêmes, s’empresseraient de suivre un régime sévère, car ce qui fit leur charme n’était autre qu’une obésité naissante. Mais voyons plutôt comment nous en sommes arrivés considérer une femme mince, voire maigre comme une femme belle, alors que jusqu’ici, étaient favorisés les « kilos en trop », sur une période de deux siècles.


Au début du 19ème siècle, le bas acquiert graduellement une place qu’il n’avait pas auparavant. Et rapidement, on recherche les parties « intimes », que l’on souhaite voir, c’est pourquoi intervient l’expression dans la posture, la pâleur, ou autre, du désir, et ce que cela entraîne.
De manière plus générale, il existerait des beautés à distinguer. Mme de Girardin le dit dans ses livraisons régulière au journal La Mode entre 1836 et 1848, elle en compte trois : une beauté est volontaire, l’autre involontaire, une beauté sociale autrement dit, faite d’intelligence et de savoir. Cette beauté travaillée serait même plus importante et précieuse que l’autre jugée « trop » spontanée : « la physionomie d’une femme qui pense à être belle est certainement beaucoup plus agréable que celle de cette autre femme qui est belle sans y penser. » On dit même que « la beauté est en progrès », avec un mot qui jusque là se voyait suspecté : la coquetterie. La subtilité de celle-ci peut renforcer l’attrait, « parfumer » la toilette des femmes, donner de la gentillesses aux beautés plus sévères. D’ailleurs, cela signifie, que toute femme peut se le permettre : « nous vivons en pleine liberté et cette état de chose a crée pour toute femme une responsabilité de sa beauté : on a plus d’excuses… » déclare le Journal pour tous. Ainsi, Baudelaire, dans ses Curiosités esthétiques suggère que « l’époque, la mode, la morale, la passion » peuvent commander le beau. C’est d’ailleurs lui qui utilise pour la première fois, et cela n’a rien d’étonnant, le mot « maquillage », soulignant son pouvoir mystérieux, l’assimilant à un spectacle, à un art. En effet, chaque femme a recours à cette méthode, mais n’en use pas de la même manière, toutes harmonisent leurs visages selon le jeu artificiel des couleurs et des traits, sans pour autant être similaires, et d’autre n’en n’ont pas recours. Le fard peut alors illustrer de subtils principes de distinction au milieu du 19ème. Absence de ce plus pour les plus démunis, bien sûr, ou encore chez les jeunes filles, auxquelles on impose l’eau comme le meilleur des cosmétiques. Ce qui provoque au passage des critiques, toujours les mêmes, répétées : « les jeunes filles de notre époque mangent parfois des choses comme de la craie, de l’ardoise et du thé moulu, pour se rendre le teint clair. »
Le fard est effectivement devenu « maquillage » au milieu du 19ème siècle : il ne porte plus seulement les couleurs et le teint, il porte les formes, les traits. Architecture réfléchie, il combine différentes couches : « le blanc liquide et laiteux d’abord, pour « préparer la toile », dénommé plus tard « fond de teint », la poudre rose ensuite « forçant ou modérant les couleurs », quelques ligne soulignées au pinceau enfin (yeux, bouche). Par ces nombreuses utilisation, il entretient nombre de critiques sur un visage féminin accusé de « ne pouvoir ni pâlir, ni s’animer, ni rougir ».

La posture est une notion qui entre ne ligne compte à cette époque, ainsi que la notion de finesse. La cambrure doit ainsi se dire et se montrer : « plus le corps de la femme est fluet, cambré, délié, plus facilement nous l’enveloppons dans nos bras ». Toutes les qualités de la jeune femme dont Alexandre Dumas devient amoureux vers 1820 : « hardie de poitrine, cambrée des hanches, ardente de regard. » Ici, on retrouve bien les trois notions fondamentales, des siècles précédents, ajouté aux nouvelles : de la rondeur au niveau des seins, des hanches qui ressortent, et du désir dans les yeux. Balzac aussi y prend goût, pour son héroïne, dans la Fille aux yeux d’or : « la taille cambrée, la taille élancée d’une corvette construite pour faire de la course. »
La cambrure fait encore la qualité de la valseuse dans cette danse nouvelle où pour la première fois, les partenaires s’étreignent, elle est donc ici au cœur de l’esthétique féminine. Elle en illustrerait l’excellence autant que la fragilité.
L’anatomie féminine demeure clairement finalisée, assignant plus que jamais la femme à la fécondité : « la conformation [du bassin] chez l’homme donne l’image de la force, tandis que celui de la femme indique sa destination relative à l’accouchement », ainsi, les hanches plus amples sont appréciées. Prichard juge les femmes certaines femmes disgracieuses à cause de leur « conformation identique à celle des hommes », d’Orbigny juge les femmes chiquitéenne également disgracieuses parce que conservant « le même diamètre sur toute la longueur du tronc ». alors que les Européennes possèderaient une indiscutable différence et ampleur des formes.

Une autre idée de la femme laide ou non, est celui de l’environnement. Identiquement au siècle précédent, on admet une possible influence du « contexte » sur l’individu : la capitale fabriquerait des êtres plus inventifs, plus attirants, assure aussi Balzac, alors que l’ennui de la province ferait « perdre [à la femme] sa beauté ». Le Paris du début du 19ème siècle, avec sa démographie exponentielle, sa victoire sur la contre-révolution provinciale, ses regroupements en tous genres, est magnifié, promu au cœur des décisions économiques et politiques, promu au cœur des influences esthétiques et mentales : il focalise du coup, en « ville-lumière », l’exemplaire et la beauté. Commence alors, la « politique » de la beauté active, mouvementée, avide d’exercices et d’affairement. Mme Dureynel réclame en revanche le partage des activités généralement interdites à son sexe, celle révélant une liberté de geste, une désinvolture de ton, elle se lance alors dans de multiples pratiques, comme l’escrime, le tir, les courses au bois, la nage ou encore la lecture assidue des journaux. Mais des femmes , qui comme elle s’aventurent dans des « sports » nouveaux que pratiquent en majeur partie les hommes, sont parfois vue non pas comme femmes épanouies, mais transgressives, dédaigneuses des grâces féminines. Leur faute serait d’adopter trop visiblement les valeurs masculines : jouer avec les habits d’hommes, abandonner l’apparence de leur sexe, oublier pudeur ou modestie. Peu à peu, on arrive à une expansion de l’androgynéité, qui se poursuivra jusqu’aujourd’hui. Par exemple, Georges Sand sera jugée « détestable et déclamatoire », par Barbey d’Aurevilly.
Photo de Georges Sand.

Un quatrième aspect peut être pris en compte également : celui de la mode vestimentaire changeante. Par exemple, au milieu des années 1870, l’étoffe épouse davantage les formes : la robe se fait collante, les hanches brusquement s’affirment dans des étuis devenus plus étroits. « Lente élimination » des surcharges, prétend Mallarmé, écrivain de mode à ses heures. Et par conséquent, il y a une évidente émergence du bas. La partie antérieure du corps apparaît d’abord, alors que l’arrière demeure surélevé, enveloppé. Le profil de Nana, au grand Prix de Paris : « le petit corsage et la tunique de soie bleue collant sur le corps, relevés derrière les reins en un pouf énorme, ce qui dessinait les cuisses d’une façon hardie, par ce temps de jupes ballonnées. » La sveltesse se fait « onduleuse », les tuniques se font resserrées, avec la « jaquette-tailleur » ; tous provoquant le plaisir des personnes minces, et le « désespoir » des autres. Encore faut-il souligner combien les courbes d’aujourd’hui ne sont pas celle du 19ème, car persistent encore les hanches rondes, et les cuisses fortes.
« Rentrer tout sauf le cul et les seins », c’est que ce qui sort des magasines de mode de l’époque, cela insiste sur la taille fine, ce qui implique le corset, qui en effet, est à son apogée : 1 500 000 corsets vendus en 1870, pour 6 000 000 en 1900.
Un canon de la beauté de l’époque, peut se définir, d’après Georges Lecomte par « l’encorbellement orgueilleux des seins au-dessus des fines tailles et des hanches grasses ». La minceur, se résume à cette époque à la taille.
Mais, l’appel est à une nouvelle beauté : « plus droite, moins de buste, d’une souplesse élancée ». Ce qui rejette entièrement, les « hanches grasses » et les seins « orgueilleux » de Georges Lecomte, qui pousse encore plus loin la minceur. Car, les parties sont de moins en dissimulées, les contours deviennent de plus en plus surveillé par chacun : c’est la pratique de l’amincissement qui se met en place. L’allusion aux régimes ou aux exercices devient plus pressante. L’objectif est d’éviter les épaisseur sur les hanches, ou le développement de celles-ci. Les publicités d’amincissement , dont la présence croît dans les annonces de la fin du 19ème siècle l’indiquent aussi. Au fur et à mesure des années, on voit apparaître diverses formes de méthodes pour mincir, les massages avec pour cela des rouleaux, des pilules, ou des exercices de gymnastique à la télévision : chacun est envahi de pubs « amincissantes ». Mais les pratiques proposées sont extrêmement nombreuses, et dispersées : l’Encyclopédie illustrée des élégances féminines propose à cet égard sept méthodes différentes en 1892, La vie Parisienne huit en 1896, le Carnet féminin dix en 1903. L’ensemble des surfaces semblent concernées.

Néanmoins l’une des inventions qui a permit cette avancée-ci dans la vision de la femme, est l’armoire à glace, car avec cet objet, les individus renouvellent les gestes d’observation et de correction de soi. Une scène revient d’ailleurs dans les romans comme dans les revues de mode : la surveillance attentive du corps devant le miroir en pied, le meilleur exemple est celui de Nana « s’arrêtant au profil de sa gorge, aux rondeurs fuyantes de ses cuisses », qui s’observe en détails dans sa chambre. Peu à peu, le cabinet de bain ou de toilette, devient un espace « à soi » : lieu permettant de ne pas être vu pour mieux réaliser le culte de son corps, et de la beauté. Il en est de même pour la baronne Staffe, en 1892, « un sanctuaire dont personne, pas même l’époux aimé, surtout l’époux aimé, ne franchit le seuil ».

Une image publiée dans une Encyclopédie du bien-être, dans les années 1950 montre une femme très mince se pouponnant devant son miroir .

L’exigence est nouvelle : prendre son temps pour mieux « se faire belle », geste que seul l’isolement, élément capital pour « comprendre » le comportement anorexique, rendrait efficace. C’est avant tout s’observer en toute liberté et intimité.
Pour encore affiner cette recherche de la beauté, il se crée tout un marché autour de la cosmétique, par exemple, de nouveaux métiers font apparition : esthéticienne, manucure, chirurgie esthétique. Et ceci entraîne bien entendu, un changement, la beauté se porte haut et fort, ainsi on passe de la forme curviligne du corps en S, à une forme plus droite, plus élancée encore de I : « toutes les femmes donnent l’impression d’avoir grandi » déclare le magasine Vogue en 1920. Cette posture droite, qui rappelle en effet la posture habituelle des hommes, donne naissance au mot « garçonne », inauguré par Victor Marguerite, un écrivain dramatique en 1922.


Cette lente conquête, qui reflète non seulement l’histoire d’une beauté, mais aussi l’histoire des mœurs d’un pays, s’effectue depuis toujours, se résume ainsi : un privilège majeur et durable est donné d’abord au « haut » du corps, aux nuances de teint, à l’intensité des yeux, à la régularité des traits, par la suite, il y a une insensible prise en compte du « bas », la ligne des flancs en particulier.
On évolue peu à peu vers une acceptation du corps comme un tout, d’abord, avec quelques rondeurs, l’exemple type est Marilyn Monroe, femme pas le moins du monde mince, mais tout de même qualifiée de pulpeuse, attirante, et belle. Puis vers un ensemble quelque peu androgyne, jusqu’à parvenir au modèle d’aujourd’hui.
Cette beauté change, il faut le redire, au-delà des seuls effets de mode elle épouse les grandes dynamiques sociales, les ruptures culturelles, les conflits de genres ou de génération.

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